Les douces violences : qu’est-ce que c’est ?

Les douces violences

Qui n’a jamais débarbouillé la bouche d’un enfant après le repas sans le prévenir ? Un geste banal qui peut involontairement avoir un impact, ne serait-ce que léger, sur le développement optimal de l’enfant. C’est ce qu’on appelle une douce violence.  

Les douces violences sont des gestes ou paroles maladroites d’adultes qui, sans avoir la volonté de nuire à l’enfant, ne le sécurisent pas. Ces douces violences résultent souvent d’exigences inadéquates de la part de l’adulte pourtant bien intentionné : avoir une solide connaissance des besoins de l’enfant permet donc de les identifier et de les éviter. Quelles sont les formes que peuvent prendre les douces violences dans votre quotidien de pro de la petite enfance ? Comment les limiter pour les remplacer par des attitudes qui répondent à la grande dépendance de l’enfant, en crèche comme chez les assistantes maternelles ?

COMPRENDRE L’ORIGINE DES DOUCES VIOLENCES DANS SON QUOTIDIEN DE PRO DE LA PETITE ENFANCE

Les douces violences sont des attitudes qui mettent l’enfant dans une situation d’insécurité affective. Elles résultent souvent de l’impatience de la part de l’adulte, ou d’une méconnaissance du développement de l’enfant. Les professionnels de la petite enfance peuvent ainsi par exemple attendre de l’obéissance ou de la soumission de la part de l’enfant, ce qu’il est en incapacité de faire en raison de son immaturité cérébrale.

En effet, à la naissance, le lobe frontal dans le cerveau du jeune enfant n’est pas mature. Pour cette raison, avant ses trois ans, le jeune enfant n’a pas de système d’inhibition. Cela veut dire qu’il a des impulsions qu’il contrôle difficilement, voire pas du tout. Il n’a pas non plus de contrôle émotionnel : il est incapable de gérer ses émotions qu’il reçoit de plein fouet et est en proie à des tempêtes émotionnelles. Cette immaturité cérébrale empêche également l’enfant de comprendre qu’il existe des intentions et besoins différents des siens, puisqu’il n’a pas la capacité de se mettre à la place de l’autre. Obéir à un ordre donné par l’adulte est ainsi très difficile.

Pour faire face à cette immaturité cérébrale, l’enfant a besoin d’un adulte qui va le placer dans une situation de sécurité affective. L’enfant a besoin d’être dans un environnement stable et doté de repères dans lequel il sait qu’il peut compter sur l’adulte pour répondre à ses besoins : par exemple, l’enfant a besoin que l’adulte le prenne dans ses bras à chaque fois qu’il pleure.

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La sécurité affective est la base de tout puisqu’elle permet à l’enfant de prendre le risque de grandir. Cependant, il peut arriver que l’adulte adopte de manière involontaire des attitudes qui ne répondent pas aux besoins de l’enfant : c’est là qu’apparaissent les douces violences.

REPÉRER LES DOUCES VIOLENCES POUR LES LIMITER

Les douces violences peuvent prendre différentes formes, mais sont bien à distinguer des violences éducatives ordinaires, interdites par la loi depuis 2019, qui sont pour la majorité des punitions corporelles, comme les fessées. 

Les douces violences, quant à elles, s’expriment beaucoup à l’oral et sont dénuées d’intention de faire du mal à l’enfant. Elles peuvent prendre la forme de paroles blessantes (“Dépêche-toi, tu es vraiment trop lent, on dirait un escargot !”) ou humiliantes, comme utiliser un surnom dévalorisant pour appeler un enfant. Les jugements et les comparaisons entre enfants sont également associés à des douces violences, puisqu’elles insécurisent l’enfant. Toutes ces formulations maladroites sont à éviter.

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Les douces violences résultent aussi de comportements impatients qui ne considèrent pas les besoins de l’enfant. Ainsi, ne pas expliquer à l’enfant ce que l’on s'apprête à faire le concernant, comme le moucher sans prévenir, peut constituer une douce violence. Il est donc important, lors des soins, de toujours prévenir l’enfant de nos gestes pour le rendre acteur de ces moments de grande dépendance. De la même façon, veiller à respecter l’intimité de l’enfant, en ne le déshabillant pas devant tout le monde par exemple, permet d’éviter une douce violence.

Les comportements associés à des douces violences peuvent aussi être des attitudes qui empêchent l’enfant de faire ses propres expérimentations, essentielles à son développement. Par exemple, ne pas permettre à l’enfant de manger seul sous prétexte qu’il va en mettre partout peut constituer une douce violence. Il est au contraire important de laisser l’enfant explorer le monde qui l’entoure lors de tous les moments de vie : ils constituent tous des occasions d’éveil et d’apprentissage pour le tout petit !

D’un point de vue de l’adulte, ces actions peuvent apparaître comme anodines : elles ont pourtant un réel impact sur l’enfant. Elles risquent d’avoir des répercussions sur les capacités d’apprentissage de l’enfant en entamant la confiance en soi de l’enfant et en le faisant douter de ses propres capacités à réussir. En effet, l’enfant en situation d’insécurité va sécréter du cortisol, une hormone libérée sous l’effet du stress. Cette hormone, quand sécrétée en grande quantité, a des effets négatifs sur le cerveau encore fragile du jeune enfant, et notamment sur la croissance des neurones. 

Pour éviter les douces violences en crèche ou en tant qu’assistante maternelle, s’interroger sur ses pratiques est déjà une première action centrale. Les douces violences apparaissent dans le rythme intense des journées des pro de la petite enfance, tout comme celui des parents, qui font tous ce qu’ils peuvent pour qu’il n’y ait pas trop de débordements, mais peuvent être pris dans le tourbillon des longues journées sans trouver le temps de se remettre en question. Dans cette perspective, prendre conscience des douces violences et de leurs conséquences est déjà une très bonne chose.

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